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Génériques : Stratégies et visions d’avenir

L’avenir des big pharmas et celui des génériqueurs est-il lié ? On peut le penser à la lumière de certains événements récents comme le rachat du géant indien Ranbaxy par la deuxième firme nippone Daiichi Sankyo (cf. notre labo au crible), ou l’accord intervenu entre e même Ranbaxy et Pfizer à propos du lancement d’un générique du Lipior®, mettant fin à cinq ans de bataille uridique. Par ailleurs, un autre laboratoire indien, Zydus Cadila, a racheté e génériqueur espagnol Laboratorios Combix. Lors de l’accord initial entre Ranbaxy et Pfizer, un journal indien a même laissé entendre que l’Américain envisageait une contre-offre à celle de Daiichi Sankyo pour acquérir e laboratoire indien. Info ou intox ?

Certains analystes du secteur comme Claude Allary, de Bionest Partners, esiment en tout cas que le rapprochement de Daiichi et Ranbaxy « a beaucoup de sens, car pour les entreprises de la taille de Daiichi Sankyo, il paraît difficile de faire une croix sur un marché qui représente un quart des ventes mondiales et qui ne cesse de croître » (Le Figaro Economie, 13 juin).

Pour ceux de taille plus importante, confrontés à des échéances majeures de brevets et à une baisse de productivité de la R&D, le modèle Novartis/ Sandoz peut aussi être une façon de préserver la croissance pour les années à venir. Les grands discours sur l’in- novation s’effaceraient alors devant le pragmatisme et les dividendes attendus par les actionnaires. Quoi qu’il en soit, selon le magazine Le Revenu, les valeurs pharmaceutiques ont connu une embellie boursière en juin, en partie du fait d’accords intervenus entre des firmes pharmaceutiques et des génériqueurs.

Et le magazine de citer l’accord signé par Ranbaxy avec Pfizer (qui concerne également Viagra® et Accupril®), mais aussi avec Astra Zeneca, ou encore celui inter- venu entre Bayer et l’américain Barr. Des accords qui pourraient préfigurer des rapprochements plus étroits à l’avenir.

L’enjeu des contrôles qualité

Lors du congrès de l’EGA (European Generic medicines Association) en juin dernier à Paris, la question est ve nue de la salle comme une boutade au sein d’un panel réunissant plusieurs CEO : « Cela aurait-il du sens pour Pfizer d’acquérir Ranbaxy ?». Peter Burema, président «global pharmaceutical business » de Ranbaxy, a botté en touche, et les membres du panel ont eu un sourire en coin. Vice-président de Barr, Tim Sawyer a rappelé que les génériques représentent 65 % des prescriptions aux EtatsUnis, et 16 % des dépenses consenties pour ces ordonnances. Mais la question majeure, qui a fait l’objet de plusieurs auditions devant le Congrès américain, est celle de la qualité des produits importés, suite à l’affaire des héparines contaminées. Un enjeu dont la FDA comme l’EMEA ont pris la mesure.

L’industrie générique américaine estime que les redevances des firmes doivent en priorité être affectées à des missions d’inspection à l’étranger.

Si le marché américain du générique est très développé, des opportunités de croissance résident dans la zone Asie Pacifique. Vice-président de Hospira Inc. pour la région, Hirohisa Iriyama en a souligné les forces et faiblesses. Tout d’abord, cette zone connaît une croissance économique forte, à l’image de la Chine et de l’Inde, et un vieillissement de la population qui induit une demande croissante de soins. La volonté de contrôler les dépenses de santé est aussi de plus en plus marquée. On trouve toujours sur place une main d’œuvre qualifiée pour des coûts de fabrication réduits ; sous la pression occidentale, les contrôles qualité sont donc également renforcés. Au chapitre des faiblesses, M. Iriyama note que ces marchés sont hautement fragmentés et l’accès aux soins reste limité dans la plupart des pays hormis le Japon et l’Australie.

Quant aux menaces, elles sont liées à des « dépenses cachées » souvent élevées, car les questions de réglementation et de distribution restent compliquées. Mais l’évolution rapide de ces marchés présente également un risque, car les business models sont rapidement dépassés.

Europe : un marché multilocal

L’OMS pro-génériques

Selon Kees de Joncheere, en charge des questions pharmaceutiques à l’OMS, le développement du générique repose sur quatre notions : tout d’abord la qualité, réelle ou perçue ; en second lieu l’accès au marché, qui suppose des enregistrements rapides et des contributions industrielles réduites ; puis il convient que les professionnels de santé soient convaincus de l’intérêt des génériques ; enfin, il est nécessaire pour ces derniers comme pour les patients de mettre en place des incitations financières. Les questions de propriété intellectuelle ont un côté «boîte noire», a expliqué Kees de Joncheere à l’EGA : « Nous avons besoin de brevets de haute qualité, mais le système est à améliorer. » Une commission de l’OMS a travaillé sur ce thème avec des représentants de l’UE et de l’OMC. Le rapport est en ligne : www.who.int/intellectualproperty/fr/

Dans la zone Europe, les opportunités de croissance restent fortes. Mais, comme l’observe, lors du congrès EGA, Didier Barret, président de Mylan EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), « l’Europe n’est pas un marché global mais multilocal : diversifié, hétérogène et complexe. Si les marchés d’Europe de l’Est sont «drivés» par la prescription, le marché français l’est par la substitution, alors que les autres affichent des modèles mixtes. » Didier Barret souligne que l’achat de Merck Generics par Mylan en 2007 « n’apportait pas seulement un intérêt géographique, mais aussi une vraie complémentarité des activités. » Le nouvel ensemble pesait quatre milliards de dollars en 2007 et s’appuie sur une stratégie d’intégration verticale et horizontale forte. La stratégie de Sandoz, n° 2 mondial, repose quant à elle sur un savoir-faire éprouvé en matière de produits de fabrication complexe, a rappelé Eric Gorka, directeur des opérations commerciales EMEA, et président de l’EGA. Une approche qui voit également Sandoz se positionner comme leader sur les biosimilaires, avec 25 projets en développement. « Nous souhaitons jouer un rôle de pionnier en établissant des voies réglementaires globales pour les biosimilaires », a ajouté Eric Gorka.

Enfin, le leader mondial Teva entend conserver ce rang et doubler son activité d’ici 2020, en passant de 9,4 milliards de dollars de ventes en 2007 à 20 milliards. Il compte lui aussi prendre position sur le marché des biosimilaires, après avoir acquis Sicor en 2002 et CoGenesys en 2007. « Le potentiel est de 40 milliards de dollars, explique Maurice Chagnaud en juillet dernier, lors d’une conférence de presse de Teva Classics France. Mais les barrières financières et technologiques restent importantes. » Lucide, le président de Teva Europe Gerard Van Odijk, souligne au congrès EGA que « les produits d’innovation sont le futur des génériques. Nous avons besoin des deux, car les médicaments génériques permettent aux payeurs de réaliser des économies afin de mieux rembourser les médicaments nouveaux et plus chers. Mais l’accès à des génériques bon marché demande un modèle équilibré. »

Jocelin Morisson

pharmaceutiques.com magazine