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Le sentiment d'efficacité personnelle dans le contexte de la réadaptation

Aperçu

Le présent article débutera par une définition du sentiment d'efficacité personnelle (ou auto-efficacité), concept qui a d'abord été introduit par Bandura (1977). Ses origines historiques seront décrites, suivies des quatre principales sources d'influence (les expériences actives de maîtrise, les expériences vicariantes, la persuasion verbale et les états physiologiques et affectifs). Ces facteurs d'influence sont importants en réadaptation. Le lien entre le sentiment d'efficacité personnelle et l'état de santé est analysé, de même que le rôle joué par le sentiment d'efficacité personnelle (médiateur) dans la modification des résultats pertinents en réadaptation. Enfin, on aborde l'évaluation du sentiment d'efficacité personnelle. Le présent article se fonde sur des résultats issus d'études empiriques menées dans le contexte de la réadaptation pour illustrer ses points principaux.

Définition

Le sentiment d'efficacité personnelle désigne:

« la croyance partagée par un groupe en ses capacités conjointes d'organiser et d'exécuter les actions nécessaires pour produire un niveau donné de réalisations » (Bandura, 1977, p. 3).

Une fois formées, les croyances d'efficacité personnelle influencent non seulement le cours des actions entreprises, mais aussi l'intensité de l'effort investi, le niveau de persévérance devant les difficultés, la nature des modes de pensée (constructifs ou autodestructeurs) et le niveau de stress éprouvé dans les situations exigeantes (Bandura, 1977). Il est donc clair que le sentiment d'efficacité personnelle peut constituer un important facteur à considérer en lien avec la réadaptation des personnes ayant des incapacités. Le niveau du sentiment d'efficacité personnelle peut avoir une influence sur l'intensité des efforts que les patients investissent dans leur réadaptation, sur leur persévérance malgré les difficultés qu'il rencontrent, sur leur capacité de maintenir une attitude positive face à leurs objectifs de réadaptation et sur le niveau de stress éprouvé au cours de leur séjour en réadaptation.

Les origines historiques

Le concept du sentiment d'efficacité personnelle, tel qu'introduit d'abord par Bandura (1977), a réuni plusieurs tendances historiques expliquant les effets de la pensée autoréférente sur le fonctionnement psychosocial d'un individu. Tout d'abord, la popularité de la notion de causalité réciproque avait augmentée. L'idée selon laquelle les gens ne sont pas simplement des spectateurs passifs de forces environnementales a été reconnue par Lewin (1936). Celui-ci soutenait que les gens ne réagissent pas seulement au monde, mais ils cherchent également à le contrôler. Deuxièmement, la compétence personnelle et l'autorégulation revêtaient une importance croissante. Dans son article influent datant de 1959, White désignait la compétence comme une capacité pour l'individu d'interagir efficacement avec son environnement. La compétence, ou maîtrise, était conçue comme un besoin ou une motivation qui, lorsque satisfait, permettait une adaptation efficace et le fait de ne pas satisfaire ce besoin entrainait un dysfonctionnement. La motivation d'être compétent était désignée comme le « besoin de compétence ».

L'avènement des théories cognitives dans les années 1960 marque un virage et se concentre sur les croyances, les perceptions, les attributions et les attentes plutôt que sur les facteurs de motivation (Peterson & Stunkard, 1989). Alors que les motifs sont intrinsèques à la personne, les croyances peuvent quant à elles s'appliquer tant à la personne qu'à l'environnement. C'est pourquoi l'intérêt des chercheurs concernant les aspects spécifiques de la personnalité et la relation entre la personne et l'environnement s'est accru (Mischel, 1968). À l'intérieur du cadre de la théorie de l'apprentissage social, Rotter (1954) a laissé entendre que le potentiel comportemental dépend à la fois des attentes associées aux résultats et aux valeurs. Les attentes associées aux résultats désignent la croyance selon laquelle le comportement entrainera un résultat donné. Les attentes associées aux valeurs désignent la valeur du résultat perçue dans une situation donnée. Rotter (1966) a proposé le concept de lieu de contrôle qui désigne les attentes généralisées associées aux résultats concernant la mesure dans laquelle une personne croit que les évènements sont déterminés par des facteurs internes, ou externes comme la chance. Alors que les attentes associées aux résultats concernent les conséquences de l'action d'une personne, les capacités comportementales perçues, ou les croyances relatives à ses possibilités personnelles, désignent les attentes associées au sentiment d'efficacité personnelle.

Influencer le sentiment d'efficacité personnelle

La théorie du sentiment d'efficacité personnelle est particulièrement utile dans le contexte de la réadaptation, car elle présente un plan détaillé sur la manière de renforcer les croyances associées au sentiment d'efficacité personnelle. Il y a quatre principales sources d'information qui influencent la perception de l'efficacité personnelle. Il s'agit des expériences de maîtrise, les expériences vicariantes, la persuasion verbale, ou des formes proches d'influence sociale, et les états physiologiques et affectifs (Bandura 1991). Ces stratégies sont incorporées, une par une ou en combinaison, dans le programme de réadaptation.

L'expérience de maîtrise

L'expérience de maîtrise est liée à la performance d'un comportement ou d'une tâche et est considérée comme la source d'information ayant le plus d'influence sur le sentiment d'efficacité personnelle (Bandura, Adams et Beyer, 1977). Une bonne performance entraine un accroissement du sentiment d'efficacité personnelle, alors que des échecs répétés peuvent provoquer une diminution de ce sentiment. La seule ombre au tableau de cette situation est qu'une bonne performance doit être attribuée aux efforts et aux capacités de la personne. Dans le contexte de la réadaptation, le fait de demander aux gens de fixer leurs propres objectifs dans un domaine d'intérêt particulier, de s'assurer que ces objectifs sont réalistes et réalisables avec un niveau d'effort approprié et de fournir une rétroaction sur leur performance sont tous des facteurs favorisant l'accroissement du sentiment d'efficacité personnelle. Par exemple, un patient atteint d'une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) peut être orienté vers un programme de réadaptation pulmonaire qui comprend habituellement un volet d'exercices, comme l'accroissement du temps de marche. On peut facilement mesurer cet accroissement en donnant une montre chronomètre à chacun des patients. Les patients sont invités à se fixer des objectifs réalistes pour accroitre lentement la période où ils arrivent à marcher avec aisance. Les thérapeutes et les membres de la famille peuvent offrir une rétroaction positive lorsque les patients atteignent leurs objectifs. L'objectif final peut être de réussir à marcher jusqu'au magasin du coin pour acheter un journal, ce qui procure non seulement une expérience d'exercice, mais qui est également susceptible de comporter une interaction sociale et ainsi réduire le sentiment d'isolement que les personnes atteints d'une BPCO peuvent développer. L'atteinte de leur objectif aura vraisemblablement pour effet d'accroitre leur sentiment d'efficacité personnelle.

L'expérience vicariante

L'observation de semblables, ou expérience vicariante, peut augmenter ou diminuer les atteintes associées au sentiment d'efficacité personnelle en fonction de la réussite ou de l'échec des modèles observés (Bandura et coll. 1980). Pour arriver à accroitre le sentiment d'efficacité personnelle, il importe que les modèles soient aussi semblables que possible à l'observateur sur le plan de variables telles que l'âge, le sexe et l'état de santé. La seule ombre au tableau est que les personnes qui servent de modèle doivent être observées pendant qu'elles doivent surmonter des difficultés et déployer des efforts plutôt que lorsque tout est facile (Strecher 1986). Le nombre et la variété des modèles observés, ainsi que le pouvoir perçu des modèles sont d'autres facteurs d'importance dans le renforcement du sentiment d'efficacité personnelle (Maddux et Stanley 1986). L'expérience vicariante s'avère particulièrement efficace dans l'accroissement du sentiment d'efficacité personnelle dans les situations où la personne est dénuée d'expérience préalable sur laquelle elle peut se fonder pour juger de ses capacités. L'expérience vicariante survient la plupart du temps lorsque les services de réadaptation sont dispensés en groupe, ce qui offre aux patients de nombreuses occasions d'observer leurs semblables exécutant des tâches et ayant des comportements semblables aux leurs. L'observation d'autres patients atteints d'un BPCO pédalant sur des vélos stationnaires ou marchant sur des tapis roulants dans le cadre de leur programme de réadaptation pulmonaire pourrait permettre l'accroissement du sentiment d'efficacité personnelle chez le patient récemment admis au programme.

La persuasion verbale

On emploie souvent la persuasion verbale pour influencer la perception des capacités, particulièrement dans le contexte de la réadaptation. L'information persuasive aura davantage de répercussions chez les patients qui croient que leurs actions produisent les effets recherchés (ceux qui ont une démarche intérieure). L'efficacité de la persuasion verbale varie en fonction de facteurs comme le degré de perception de compétence, de fiabilité ou d'attirance envers les sources d'information (Maddux et Stanley, 1986). Dans le cas des patients atteints d'un BPCO suivant un programme de réadaptation pulmonaire, un physiothérapeute dirigeant une classe de réadaptation pourrait être perçu comme un expert qui possède des connaissances en réadaptation pulmonaire et qui est ainsi digne de confiance. L'information et les encouragements verbaux prodigués par ce physiothérapeute au cours du programme sont donc susceptibles d'être perçus de façon favorable et de favoriser l'accroissement du sentiment d'efficacité personnelle des patients dans l'atteinte de leurs objectifs de réadaptation.

Les états physiologiques et affectifs

L'état physiologique peut influencer la façon dont on juge ses propres capacités En effet, la fatigue et les difficultés respiratoires, par exemple, pourraient indiquer un dysfonctionnement physique. De plus, l'anxiété qu'occasionnent les épisodes de difficultés respiratoires au cours de l'exercice est susceptible d'affaiblir la perception du sentiment d'efficacité personnelle. L'activation neurovégétative que provoquent les situations de peur ou de stress peut diminuer la faculté de percevoir le sentiment d'efficacité personnelle, car cette activation indésirable est liée à une vulnérabilité au dysfonctionnement ou à une performance comportementale déficiente. Si une personne se rend compte d'une activation émotionnelle désagréable, elle peut se mettre à douter de sa compétence dans la performance de tâches comportementales et développer un faible sentiment d'efficacité personnelle. Un patient atteint d'un BPCO qui éprouve des difficultés respiratoires sur un vélo stationnaire commencera à se sentir anxieux relativement à sa capacité de continuer l'exercice et ralentira sa cadence ou arrêtera complètement l'exercice. Les états physiologiques et affectifs sont donc susceptibles de nuire à la perception que le patient a de sa capacité à effectuer les exercices de réadaptation.

La direction de la causalité

La direction de la causalité mérite que l'on s'y attarde. La perception du sentiment d'efficacité personnelle influence les réalisations, ce qui en retour peut exercer une influence réciproque sur la faculté de juger son efficacité personnelle. Le comportement, la cognition, les états physiologiques et affectifs, ainsi que les influences environnementales opèrent tous comme des déterminants interactifs mutuels, un processus que l'on appelle le déterminisme réciproque. C'est pourquoi on perçoit le sentiment d'efficacité personnelle comme étant un concept dynamique qui variera en fonction des changements survenant dans les expériences personnelles. Les expériences récentes sont susceptibles d'influencer davantage le sentiment d'efficacité personnelle que les expériences lointaines. Les patients atteints d'un BPCO seront donc influencés davantage par leurs expériences d'exercice récentes dans le cadre de leur programme de réadaptation pulmonaire que par les expériences d'exercice lointaines de leur enfance.

Lien entre le sentiment d'efficacité personnelle et l'état de santé

Le sentiment d'efficacité personnelle est associé à une amélioration des états de santé pour un éventail d'affections pertinentes au domaine de la réadaptation. Chez les personnes atteintes de sclérose en plaques, Motl et Snook (2008) ont montré qu'un sentiment plus élevé d'efficacité personnelle sur le plan du fonctionnement et de la prise en charge de la maladie est lié au fait d'être plus actif et à l'amélioration de certains éléments physiologiques et psychologiques de la qualité de vie des patients. Dans un rapport connexe, on a constaté que de faibles taux de dépression sont liés à un sentiment plus élevé d'efficacité personnelle sur le plan de la gestion de la sclérose en plaques et davantage de soutien social (Motl et coll. 2009). Chez des personnes atteintes de sclérose en plaques qui ont été référées à un traitement aux stéroïdes en raison d'une rechute ou d'une admission dans une unité de réadaptation avec séjour, les scores d'efficacité personnelle obtenus avant le traitement et un accroissement de ceux-ci du début du traitement jusqu'à la période de suivi ont été liés de façon significative à l'amélioration de la perception de la capacité de marcher, ainsi qu'à des répercussions physiques et psychologiques de la sclérose en plaques. Les auteurs ont conclu que le sentiment d'efficacité personnelle est un domaine qu'il est important d'évaluer et d'inclure dans la réadaptation et l'éducation prodiguées au patient.

Une étude longitudinale menée auprès de personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde (PR) en Norvège a enquêté sur le lien entre le sentiment d'efficacité personnelle avant intervention et les changements survenus dans leur état de santé au cours d'une période de 2 ans (Brekke et coll. 2001). Le sentiment d'efficacité personnelle était en corrélation positive avec les mesures de l'état de santé sur le plan de la douleur et de la fatigue (c'est-à-dire que les niveaux plus élevés de douleur et de fatigue étaient associés à l'affaiblissement du sentiment d'efficacité personnelle). Fait intéressant, une étude connexe menée par Brekke et coll. (1999) a démontré que le niveau du sentiment d'efficacité personnelle chez les personnes arthritiques varie selon la région socio-économique, car les personnes habitant les régions moins nanties d'Oslo indiquaient un sentiment d'efficacité personnelle plus faible et un mauvais état de santé. Il ne semblait pas y avoir de différences sur le plan du nombre d'articulations arthritiques, de la gravité de la maladie ou du nombre d'arthroplasties de remplacement. Cette constatation laisse entendre que les ressources environnementales pourraient avoir influencé la perception du sentiment d'efficacité personnelle. Wright et ses collaborateurs (1996) ont constaté qu'un sentiment d'efficacité personnelle peu élevé dans la prise en charge de la douleur et de la détresse psychologique constitue un facteur contribuant à prévoir les risques de dépression chez les patients atteints de PR. De la même manière, Beckham et ses collaborateurs (1994) ont indiqué des corrélations entre le sentiment d'efficacité personnelle peu élevé et la détresse psychologique et des fonctions physiques diminuées. Par ailleurs, les niveaux de d'efficacité personnelle et de douleur permettaient de prévoir le niveau de fonctionnement physique chez des femmes plus jeunes atteintes de PR (âge moyen de 43 years) (Dwyer, 1997). Enfin, une enquête en laboratoire a permis de constater que les patients ostéoarthritiques ayant un sentiment très élevé d'efficacité personnelle concernant la prise en charge de leur douleur arthritique présentaient des seuils plus élevés de tolérance à la douleur comparativement à ceux des participants dont le sentiment d'efficacité personnelle relativement à la prise en charge de la douleur arthritique était très faible (Keefe et coll. 1997). En conséquence, les personnes les plus confiantes en leur capacité de gérer la douleur étaient davantage capables de la tolérer et présentaient des seuils de tolérance plus élevés.

Une étude de cohortes auprès de patients atteints de maladies coronariennes a permis de constater que le sentiment d'efficacité personnelle requis pour maintenir le fonctionnement et contrôler les symptômes constitue un facteur contribuant à prévoir les fonctions physiques et de rôles, suivant un examen qui tenait compte de la gravité de la maladie coronarienne, du niveau d'anxiété et de dépression (Sullivan et coll. 1998). On a constaté, parmi un échantillon de patients ambulatoires résidant en centre communautaire et présentant une insuffisance cardiaque, que le sentiment d'efficacité personnelle influençait les comportements relatifs à la prise en charge personnelle, comme la prise de médicaments et le respect des restrictions alimentaires concernant le sodium. De plus, les patients chez qui le sentiment d'efficacité personnelle était plus élevé avaient été admis à l'hôpital moins souvent.

Le sentiment d'efficacité personnelle a été évalué lors d'une enquête sur la prise en charge personnelle auprès de patients atteints d'insuffisance cardiaque chronique, d'insuffisance respiratoire chronique, de la maladie de Parkinson et de schizophrénie chronique d'intensité modérée dont les symptômes s'étaient exacerbés au cours du mois précédent (Gallagher et coll. 2008). On a conclu qu'un faible sentiment d'efficacité personnelle constituait un risque de mauvaise prise en charge personnelle, combiné à un faible sens de la cohérence, à l'âge et à un diagnostic primaire de schizophrénie chronique. Les auteurs soutiennent qu'étant donné que le sentiment d'efficacité personnelle est le seul de ces indicateurs prévisionnels qui ait été « jugé applicable dans le cadre d'une intervention », il est nécessaire d'inclure l'efficacité personnelle dans les mesures de soutien pour ces groupes de patients.

Dans le contexte de la réadaptation, le sentiment d'efficacité personnelle est important si l'on veut comprendre le fonctionnement psychologique, cognitif et physique d'un individu. Des niveaux plus élevés du sentiment d'efficacité personnelle sont normalement associés à de bas niveaux de détresse psychologique (moins d'anxiété et de dépression), une plus grande tolérance à la douleur et aux autres symptômes, une plus grande facilité à récupérer, une meilleure utilisation des activités liées à la prise en charge personnelle et une meilleure capacité fonctionnelle physique. Cela laisse entendre que le renforcement du sentiment d'efficacité personnelle pourrait s'avérer une façon d'influencer favorablement les capacités fonctionnelles de nature psychologique, cognitive et physique chez les personnes en réadaptation. L'efficacité personnelle en tant qu'élément de médiation ou de modération Le sentiment d'efficacité personnelle peut agir comme un élément médiateur ou modérateur dans le contexte de la réadaptation. Bien que les termes « médiateur » et « modérateur » aient tendance à être utilisés de façon interchangeable (Baron et Kenny, 1986), les effets modérateurs et médiateurs se distinguent sur le plan conceptuel selon le fonctionnement de trois facteurs. Dans le modèle médiateur, le troisième facteur (le facteur médiateur) fonctionne comme un mécanisme par le biais duquel le facteur indépendant est influencé par le facteur dépendant. Dans un modèle modérateur, le troisième facteur (le facteur modérateur) fragmente un facteur indépendant en zones d'efficacité variable en relation avec un facteur dépendant donné. La médiation et la modération ont fréquemment été examinées suivant les étapes recommandées par Baron et Kenny (1986). En réadaptation, beaucoup de facteurs n'agissent qu'en tant de médiateurs partiels. Par exemple, la douleur pourrait influencer la dépression par le biais du sentiment d'efficacité personnelle à la fois de façon directe et indirecte (voir graphique 1).

Graphique 1: Le sentiment d'efficacité personnelle en tant que médiateur partiel de la douleur dans la dépression

Graphique 1

Des tests empiriques appuient la thèse du rôle médiateur joué par le sentiment d'efficacité personnelle en réadaptation. Par exemple, on a démontré que le sentiment d'efficacité personnelle dans l'arthrite jouait le rôle de médiateur entre la gravité de l'affection et l'adaptation qui protège les personnes atteintes de spondylarthrite ankylosante des effets indésirables de la gravité de leur état (Barlow, Macey et Struthers, 1993). Rejeski et ses collaborateurs (1998) ont constaté que le sentiment d'efficacité personnelle avait un effet médiateur sur le changement dans les habitudes d'exercice chez les personnes atteintes de gonarthrose. Chez les personnes atteintes de PR, Shifren et ses collaborateurs (1999) ont constaté que les capacités cognitives influençaient à la fois directement et indirectement la santé mentale: le niveau des effets indirects était influencé par le sentiment d'efficacité personnelle et la douleur, alors qu'un sentiment d'efficacité personnelle élevé et une douleur moins intense correspondaient à de meilleures capacités cognitives. Chez les personnes atteintes de sclérose en plaques, on a constaté que les symptômes avaient à la fois des effets directs sur le niveau d'activité physique et des effets indirects par le biais du sentiment d'efficacité personnelle (médiation) (Snook et Motl, 2008). Dans une étude de cohortes auprès de patients atteints de maladies coronariennes, on a constaté que le sentiment d'efficacité personnelle influençait le rôle prévisionnel du statut socioéconomique des changements dans les capacités fonctionnelles physiques (Barbarecshi et coll. 2008).

Il existe moins de données probantes sur la modération par le sentiment d'efficacité personnelle en réadaptation. Une étude longitudinale, effectuée auprès de personnes atteintes de PR fréquentant des programmes éducatifs dont on se sert normalement dans les soins cliniques de routine de onze centres de rhumatologie, a permis de constater que le sentiment d'efficacité personnelle influençait la relation entre la capacité de récupérer et les émotions (Lowe, Cockshott, Greenwood et coll. 2008). Plus précisément, le niveau d'anxiété a diminué chez les patients qui étaient moins enclin à l'évitement en guise de stratégie d'adaptation lorsque leur sentiment d'efficacité personnelle relatif aux autres symptômes augmentait. On a également associé une réduction de la dépression à une stratégie d'acceptation et de résignation chez les patients dont le sentiment d'efficacité personnelle dans la gestion de la douleur s'était renforcé. Les auteurs laissent entendre qu'étant donné que la douleur est difficile à contrôler, il y a des situations où le fait de se reposer et de rester inactif constitue une stratégie d'adaptation. Par conséquent, une réduction de la dépression s'ensuit, même lorsque la stratégie d'acceptation et de résignation est intensifiée par la présence d'un sentiment d'efficacité personnelle accru dans la gestion de la douleur.

Mesurer le sentiment d'efficacité personnelle

Le sentiment d'efficacité personnelle est un facteur qu'il est important d'évaluer lorsque l'on vérifie l'efficacité de différents programmes de réadaptation. On mesure le sentiment d'efficacité personnelle comme un domaine conceptuel spécifique et cette pratique a entrainé l'élaboration d'instruments de mesure du sentiment d'efficacité personnelle pouvant être utilisés dans une gamme de contextes, de lieux et de groupes cibles de réadaptation. Un domaine comprend un groupe cible, comme les personnes arthritiques, atteintes de sclérose en plaques ou d'un BPCO. C'est pourquoi la Liverpool Self-Efficacy Scale (Airlie et coll. 2001) et la MS Self-efficacy Scale (Rigby et coll. 2003) ont été conçues spécifiquement pour les personnes atteintes de la sclérose en plaques. Il existe également une échelle de mesure de l'efficacité personnelle pour la BPCO (Wigal et coll. 1991). De la même manière, le Resource Centre for Minority Aging Research (RCMAR) a mis au point une Self-efficacy for Rehabilitation Outcome Scale (Waldrop et coll. 2001) pour l'utilisation auprès de patients se remettant d'une chirurgie reconstructive ou de remplacement de la hanche ou du genou (voir http://www.musc.edu/dfm/RCMAR/SelfEfficacy.html). Cette échelle est typique des instruments de mesure de l'efficacité personnelle évaluant les croyances des patients au sujet de leur capacité à adopter des comportements normaux en réadaptation physique consécutive à une chirurgie de la hanche ou du genou. Elle est graduée de 0 (Je ne peux faire cela) à 10 (Je suis certain d'être capable de faire cela).

Un exemple de la manière dont on est venu à mettre au point une échelle de mesure de l'efficacité personnelle est lié à une intervention dispensée dans certains pays à l'échelle mondiale, soit le Arthritis Self-management Program (ASMP), un programme communautaire dirigé par des non-professionnels (Lorig et Holman, 1993). Le sentiment d'efficacité personnelle est devenu le fondement théorique de ce programme lorsqu'une enquête a révélé que des changements sur le plan de l'état de santé n'étaient pas forcément associés aux changements dans les comportements de prise en charge personnelle (Lorig, Seleznick et coll. 1989). Des entretiens structurés et qualitatifs avec des participants au ASMP ont permis de constater que ceux qui réussissaient bien croyaient vraiment qu'ils pouvaient avoir un effet sur l'impact que l'arthrite a dans leur vie, alors que ceux qui réussissaient moins bien croyaient le contraire (Lenker et coll. 1984). Ces constats laissent entendre que les attentes envers le sentiment d'efficacité personnelle dans la prise en charge de l'arthrite avaient un effet médiateur sur les résultats du ASMP et entrainaient la mise au point d'une échelle de mesure de l'efficacité personnelle dans la prise en charge de l'arthrite pour en mesurer les changements (Lorig, Chastain et coll. 1989) et les modifications consécutivement apportées au ASMP pour incorporer des techniques de renforcement de l'efficacité personnelle (voir la section du site Web portant sur les soins personnels (self care) pour plus de détails sur le ASMP). Le sentiment d'efficacité personnelle se définit comme la capacité perçue de contrôler ou de gérer divers aspects de l'arthrite, comme la douleur, la fatigue et l'humeur dépressif. La Arthritis Self-Efficacy Scale est composée de trois sous-échelles portant sur le fonctionnement physique, la gestion de la douleur et d'autres symptômes, comme la fatigue.

Il existe des instruments de mesure spécifiques qui ont été conçus pour mesurer des aspects précis de la réadaptation. Par exemple, un instrument mesurant le sentiment d'efficacité personnelle dans la recherche d'emploi a été mis au point pour les personnes arthritiques (Barlow, Wright & Wright 2003). En effectuant de légères modifications à la formulation, l'échelle peut également s'appliquer à l'ensemble des personnes ayant des incapacités. Par exemple, on y a eu recours avec succès pour évaluer le sentiment d'efficacité personnelle auprès d'un échantillon de commodité parmi des personnes ayant des incapacités suivant un programme d'entrainement à l'orientation dans un établissement de réadaptation professionnelle des États-Unis (Hergenrather et coll. 2008).

Le sentiment d'efficacité personnelle et l'importance des objectifs

On a avancé que, dans certaines situations, l'importance des objectifs, ainsi que le sentiment d'efficacité personnelle s'avèrent d'importants indicateurs prévisionnels de l'incapacité (Orbell et coll. 2001). Une étude de cohortes a permis d'évaluer des personnes avant qu'elles ne subissent une chirugie de remplacement de la hanche ou du genou, puis de nouveau après une période de trois mois et de neuf mois après la chirurgie. Le sentiment d'efficacité personnelle et l'importance des objectifs ont été évalués au moyen d'échelles mises au point spécifiquement pour cette étude, et qui couvraient un éventail de 32 activités (mobilité, soins du corps, loisirs). L'importance des objectifs a été définie comme la mesure dans laquelle les patients attachent « une importance à la capacité de participer à des activités de la vie quotidienne » (Orbell et coll. 2001). Les résultats de la recherche ont montré que le handicap diminue après une période de 3 mois et de 9 mois suivant la chirugie, alors que le sentiment d'efficacité personnelle s'accroit. En examinant l'état du handicap avant la chirurgie et après 3 mois, on a constaté que l'importance des objectifs et du sentiment d'efficacité personnelle documentés avant la chirurgie constituaient des indicateurs de la présence possible du handicap après une période 9 mois. Les patients qui valorisaient les activités fonctionnelles, et chez qui le sentiment d'efficacité personnelle dans la performance de ces activités était élevé, présentaient moins de handicaps à 9 mois. On a constaté que l'importance des objectifs pré-chirurgicaux a eu un effet modérateur sur l'impact du sentiment d'efficacité personnelle sur le handicap après une période de 9 mois. Plus précisément, les patients dont le sentiment d'efficacité personnelle était faible, mais qui accordaient une grande importance aux objectifs présentaient moins de handicaps à 9 mois, comparativement aux patients dont le sentiment d'efficacité personnelle était élevé, mais qui accordaient peu d'importance aux objectifs.

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